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Sécurité alimentaire

Sixième réunion du Comité vétérinaire régional de la CEDEAO : Que faire face à la résistance aux antimicrobiens en Afrique de l’Ouest et au Sahel ?

L’antibiorésistance devient de plus en plus une préoccupation mondiale de santé publique, notamment à cause de l’émergence de résistances antimicrobiennes et de l’insuffisance de la découverte de nouveaux traitements pour faire face à ce défi. Dans cette perspective et faisant suite à l’appel de l’OMSA, l’OMS et la FAO aux Etats à lutter contre ce fléau de manière coordonnée suivant le concept « Une Seule Santé », le Comité vétérinaire régional de la CE-DEAO (CVR) a fait de cette problématique l’objet de sa sixième réunion tenue à Dakar au Sénégal du 10 au 12 avril 2025.  

La résistance aux antimicrobiens (RAM) ou antibiorésistance désigne la capacité des germes (bactéries, parasites, champignons, virus) à survivre aux médicaments conçus pour les éliminer. Elle résulte d'un usage inapproprié ou excessif des médicaments antimicrobiens, du manque d'hygiène et de l'absence de mesures de prévention des infections. La résistance aux antimicrobiens a conduit à l’émergence de ce que l’on appelle des « superbactéries » qui constituent un défi pour les professionnels de la santé, les vétérinaires et les autres prestataires de soins de santé animale en raison d’une réduction des options thérapeutiques efficaces pour prévenir, contrôler et traiter les maladies infectieuses.

La RAM a des conséquences d’ordre économique et sanitaire. Lorsque les antimicrobiens perdent de leur efficacité, les maladies durent plus longtemps et requièrent des soins plus coûteux, incluant des hospitalisations prolongées et des médicaments de seconde ligne onéreux. Cela entraîne des pertes de productivité pour les éleveurs et agriculteurs ainsi qu'une charge financière accrue pour les familles et le système de santé. En santé animale, l'inefficacité des traitements vétérinaires se traduit par des taux de mortalité et de morbidité plus élevés dans les élevages et une baisse de la productivité. L'usage d'antibiotiques comme facteurs de croissance favorise l'apparition de bactéries résistantes qui peuvent contaminer la chaîne alimentaire et infecter l'homme.
Qualifiée de « pandémie silencieuse », l’antibiorésistance est considérée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) comme l’une des dix plus grandes menaces pour la santé publique à l’échelle mondiale. L’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA) parle de l’un des plus grands défis sanitaires de notre époque, devenant une cause majeure de décès.

Sur les cinq dernières années en Europe, les infections aux entérobactéries résistantes aux dernières générations d’antimicrobiens ont augmenté de 57% selon le Centre européen de contrôle et de prévention des maladies. En Côte d’Ivoire, le taux global de résistance aux antibiotiques est passé d'environ 9% en 2002 à 46% en 2018, témoignant d'une progression fulgurante. Des bactéries pathogènes courantes comme le staphylocoque doré figurent parmi les plus concernées. A Dakar, au Sénégal, des études conduites en 2020 ont révélé des résistances de souches d’Escherichia coli à plus de dix antibiotiques.
A l’image des efforts qui se font partout ailleurs à l’échelle de la planète, les discussions de la sixième réunion du CVR ont posé les bases de la nécessité d’un état des lieux de cette lutte à renforcer dans les Etas de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel. Avec la facilitation du Centre régional de santé animale (CRSA) de la CEDEAO, les directeurs des services vétérinaires, les présidents des ordres vétérinaires des Etats et des personnes ressources d’institutions régionales et internationales comme l’UEMOA, la CEDEAO et l’OMSA, ont procédé à un partage d’expériences pouvant soutenir la lutte régionale concertée.                                    
Les échanges ont mis en évidence l’existence, dans la plupart des pays, de législations et règlementations régissant la profession vétérinaire, la production, la commercialisation, l'importation, la distribution et l'utilisation des médicaments vétérinaires. La lutte contre la résistance aux antimicrobiens y est toutefois insuffisamment prise en compte. Chaque pays dispose par ailleurs d’une stratégie de lutte contre la RAM avec des niveaux variables de mise en oeuvre.
Ce constat a amené les participants à s’accorder sur l’urgence d’une réponse à la fois nationale et régionale. Il s’agit notamment de (i) renforcer le plaidoyer auprès des autorités politiques pour la prise d’actions fortes en faveur de la lutte contre la RAM (note de plaidoyer), (ii) renforcer la sensibilisation de tous les acteurs pour la prise d’actions fortes (plan de communication), (iii) élaborer et mettre en oeuvre un plan stratégique régional de lutte contre la RAM (analyse situationnelle), (iv) renforcer les capacités des services vétérinaires et des laboratoires pour la prévention, le contrôle et la surveillance de la RAM (formations, maillage vétérinaire, équipements, recherches, etc.) et (v) rechercher et mobiliser les ressources financières nécessaires.
La lutte contre la résistance aux antimicrobiens étant une approche collaborative basée sur le principe intégré d’« Une Seule Santé », toutes les parties prenantes (Etats membres, CEDEAO et institutions partenaires) devront jouer leurs rôles afin de permettre de faire face efficacement à l’antibiorésistance dans la région. Les vaccins qui préviennent les infections bactériennes ou virales conduisant à des infections bactériennes secondaires devraient devenir un élément de plus en plus important d’une approche multidimensionnelle visant à réduire l’utilisation d’antibiotiques, tout en protégeant la santé et le bien-être des animaux.